Trois clefs d’entrée dans la formation
L’une des originalités de la plateforme Néopass@ction est de présenter pour une même situation professionnelle une série de transformations typiques de l’activité des débutants.
Clef 1 : une entrée par l’activité typique d’une même communauté débutante
Les enseignants débutants consacreront du temps sur la plateforme Néopass@ction s’ils se reconnaissent dans l’activité d’autres novices. La reconnaissance de leurs propres difficultés contribuera à leur rassurance mais aussi à la prise de conscience du caractère partagé des actions et des vécus professionnels d’une même communauté débutante. La confrontation à des vidéos possédant un même air de famille avec leurs propres situations professionnelles favorisera, de manière plus ou moins spontanée, une comparaison des ressemblances et dissemblances entre les activités et des changements de référentiels s’opéreront : d’un autre comme soi-même puis de soi-même comme un autre. Le caractère d’étrangeté conféré à soi-même, par l’entremise de pairs, constitue certainement un préalable au changement, comme pas de côté concédé, par rapport à ses propres façons de faire.
L’environnement de formation a pour ambition d’encourager les enseignants débutants à s’inspirer pour leur propre compte des pratiques professionnelles plus pertinentes, plus structurées, plus astucieuses de pairs. Plus qu’une simple réplique de gestes professionnels, il s’agit pour eux de comprendre la genèse d’actions complexes pour en assimiler leur nature et les conditions d’émergence. Les ressources proposées sur la plateforme doivent alors permettre le balisage des trajectoires probables de l’activité des débutants en proscrivant des limites déontologiquement ou didactiquement non acceptables sans pour autant prescrire de manière dogmatique la « bonne pratique ». Il s’agira plutôt d’encourager certaines actions en acceptant les marges de manœuvres personnelles, les improvisations ou les décalages de l’intervention professorale.
Clef 2 : une entrée par la dynamique de transformation de l’activité débutante (et non par des études de cas statiques)
L’une des originalités de la plateforme Néopass@ction est de présenter pour une même situation professionnelle une série de transformations typiques de l’activité des débutants. Par exemple, la présentation au niveau du thème 1 des progrès réalisés par un même enseignant pour l’entrée en classe et la mise au travail de ses élèves, sur une échelle temporelle de plusieurs mois, devrait pouvoir mettre en perspective le propre développement des utilisateurs. Plutôt que de prétendre reconfigurer leur situation professionnelle sur la base d’un modèle expert imposé et commandé du dehors, le dispositif conçu cherche à induire des effets en comparant dans une situation identique l’activité d’un même enseignant au bout de quelques mois, l’activité de plusieurs enseignants débutants sur une durée d’expériences équivalente (quelques mois à une année) et/ou celle d'enseignants plus expérimentés.
Sur ce point, les artefacts de formation devraient pouvoir perturber les dispositions à agir du débutant, sans totalement les déstabiliser, pour les enrichir de nouvelles potentialités dans la façon de percevoir, d’interpréter les situations de classe. Ce qui nécessite de positionner de manière prudente l’activité du débutant, sans la stigmatiser ni la réifier, parmi un ensemble de modélisations de trajectoires typiques chez les novices, pour repérer les marges de progrès potentiels, les changements ou bifurcations possibles en termes de répertoire d’actions. Dans certains cas, la priorité est d’aider le jeune enseignant à stabiliser son activité en classe pour renforcer sa propre légitimité ; dans d’autres, de susciter des formes de déstabilisation raisonnable de son activité en identifiant avec lui l’équilibre nécessaire à trouver entre conservatisme et innovation.
Clef 3 : une entrée par les
normes personnelles de viabilité au travail et les normes académiques des
savoirs à enseigner
Les enseignants novices ne s’adaptent pas mécaniquement et spontanément à leur métier comme le souhaiterait l’institution qui les emploie : ils transforment progressivement leur propre activité tout en transformant en retour l’environnement professionnel dans lequel ils agissent avec des vitesses très variables d’un enseignant à l’autre, selon la spécificité des contextes d’enseignement rencontrés. Depuis l’entrée massive de populations scolaires très hétérogènes, les enseignants débutants se retrouvent dans l’obligation de s’adapter pour durer et donc ne pas « s’user prématurément » dans l’exercice quotidien de leur métier. Ils fabriquent alors des mondes viables dont les normes successives se transforment selon des critères subjectifs provisoires (bruits, ambiances de classes, implication des élèves, fatigue, tension, etc.), produits de la dynamique sans cesse renouvelée de leurs expériences de classe. Les activités des novices traduisent souvent les compromis provisoires qu’ils se donnent entre l’économie de soi et l’économie « viable » du groupe classe. Les objectifs de travail et d’apprentissage de leurs élèves ne sont pas forcément au rendez vous. Leur accompagnement consiste à montrer que les savoirs scolaires constituent les vecteurs les plus robustes pour stabiliser progressivement leurs activités professionnelles. Il s’agit finalement de constituer un référentiel de situations professionnelles les plus « fécondes » et donc les plus stables pour le développement des novices en repositionnant systématiquement les enjeux des savoirs disciplinaires à l’aune des problématiques concrètes de leur activité professionnelle en cours de construction.