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Reconnaître le travail des enseignants

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S'efforcer de « reconnaître », dans tous les sens du terme, le travail des enseignants c'est d'abord chercher à mieux connaître ce qu'ils font réellement en appréhendant leur activité à travers un certain nombre de traits.

 

Frédéric Saujat, IUFM d'Aix-Marseille, UMR ADEF

Les traits de l'activité enseignante

Une activité productive et constructive

L'activité enseignante vise à la fois une efficacité objective et une efficacité subjective. L'efficacité objective est liée à la transformation des élèves par les apprentissages, transformation cognitive, identitaire et sociale qui relève plus largement d'une socialisation scolaire. L'efficacité subjective concerne les effets de son activité sur l'enseignant lui-même, c'est-à-dire la manière dont son travail le transforme et lui permet de s'inscrire dans un processus de développement personnel et professionnel. Les enseignants doivent gérer les tensions entre ces deux dimensions de leur activité : ils font « ce qu'on leur demande » en fonction de « ce que ça leur demande », de "ce qu'ils pensent devoir faire » et de ce que signifie pour eux faire du « bon boulot".

Une activité située

Cette activité est également située dans le temps et différentes histoires : histoire de l'institution, du métier et de ses outils, de l'école ou de l'établissement, de la personne elle-même. Mais elle est située aussi dans différents milieux de travail : la classe bien sûr mais aussi le partenariat, la co-intervention, l'accompagnement scolaire hors la classe, les réunions et concertations, etc. C'est dans cette diversité d'histoires et de milieux que l'activité enseignante se développe.

Une activité normée

Le travail enseignant est une activité normée par les prescriptions officielles de l'institution (tout ce qui est énoncé et formalisé dans les instructions et programmes, les référentiels, etc.). Mais les normes et prescriptions sont toujours réajustées en situation et partiellement réinventées dans le travail réel des enseignants, elles font l'objet de "re-normalisations" individuelles et collectives. La normativité du métier se construit ainsi à plusieurs voix : les discordances entre ces différents "points de vue » sur le travail nourrissant des débats sur les dimensions techniques et éthiques de l'acti-vité des enseignants.

L'évolution des prescriptions

Cette normativité est aujourd'hui affaiblie par une évolution des prescriptions. Du côté des prescriptions « descendantes », on assiste non seulement à un brouillage croissant des finalités de l'École – transmettre des connaissances, faire construire des compétences, préparer à "l'insertion » et à « l'employabilité », compenser les déficits de « socialisation » dont une fraction croissante de la population scolaire serait porteuse, former à la « citoyenneté", etc. – mais aussi à un élargissement et à une diversification du travail. On observe également une nouvelle division sociale du travail entre les différents partenaires éducatifs et une recomposition des milieux de travail enseignant. Les effets de cette sur-prescription infinie des objectifs sont lourds. Ils pèsent d'autant plus sur la signification sociale et l'organisation du travail enseignant que les prescriptions s'inscrivent désormais dans une logique d'obligation de résultats et dans une « culture de la performance ». Surtout, cette sur-prescription se double d'une sous-prescription totale des moyens pour les atteindre, ce qui contraint les enseignants à « prendre sur eux » pour faire leur travail.

Mais les enseignants doivent compter également avec des prescriptions « remontantes » qui viennent de leur travail lui-même. Les occupations, souvent contrariées, auxquelles ils se livrent avec leurs élèves lorsqu'ils font classe sont source de préoccupations. Comment organiser les conditions de l'étude avec des élèves dont le rapport à l'expérience scolaire a perdu de son immédiateté ? Comment gérer l'hétérogénéité ? Comment faire avec les problèmes de discipline, les élèves « incontrôlables", les résistances à apprendre, les échecs d'une partie des élèves, etc. ? Les enseignants doivent trier entre ces différentes sources de prescription, qu'elles viennent « d'en haut » ou « d'en bas ». Ils ont à établir des priorités entre elles sans jamais pouvoir les satisfaire toutes, arbitrer à la recherche d'une efficacité « malgré tout". Cette recherche d'efficacité questionne le sens et l'efficience du métier face à des situations professionnelles inédites.

Faire des compromis

Positifs ou négatifs, les effets des pratiques enseignantes sur les élèves sont le résultat des compromis, efficaces ou inefficaces, faciles ou coûteux, que les enseignants sont amenés à faire pour répondre aux exigences de leur travail. Reconnaître le travail enseignant ne signifie pas simple adhésion à ces compromis. À l'inverse, les ignorer ou refuser de les prendre au sérieux ne peut conduire qu'à l'impasse. L'enjeu est donc d'aider les enseignants à déplacer ces compromis dans le sens d'une efficacité – tant objective que subjective – accrue, jusques et y compris en réinterrogeant les prescriptions. Cela suppose de voir le travail enseignant autrement que comme une simple variable d'ajustement entre l'entrée (les prescriptions) et la sortie (les performances des élèves), en adoptant un autre modèle de pilotage des systèmes de travail et de formation des enseignants à partir d'indicateurs d'activité et pas seulement de résultats.

 

Extrait de "XYZep", bulletin du Centre Alain-Savary, n° 32.

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